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Épisode 3
Zeif et Tuck regardèrent autour d'eux, se jaugèrent d'un bref coup d’œil et, se tournant penauds vers Ash, haussèrent simplement les épaules en guise de réponse.
– Mais c'est pas vrai ! Il faut le retrouver, il a pas dû aller bien loin ! Zeif et Tuck, vous partez par là ! Avec Wade, on va de ce côté.
Mais à peine la jeune femme eut-elle achevé de donner ses directives, qu'une voix se manifesta derrière eux :
– Vous semblez bien agités... Vous avez perdu quelque chose ?
– Ouais, notre prisonnier... répondit machinalement Zeif. Mais, attendez... ajouta-t-il, faisant volte-face.
– J'espère qu'il n'est pas dangereux, plaisanta le vieil homme qui venait de faire irruption sur le camp aux côtés de Cade.
– Où t'étais passé, toi ?
– Il y a certains besoins qu'un homme d'un certain âge se doit d'assouvir dans l'instant. D'ailleurs, à ce propos, la chose n'est pas aisée avec ceci... dit le vieil homme, levant ses poignets en direction de Zeif.
– Ouais, ben tu vas garder tes bracelets. Et à partir de maintenant, toi et moi, on va être comme cul et chemise, ajouta Zeif, attachant une corde à son bras et la reliant aux menottes du prisonnier. Voilà, comme ça, on ne risquera plus de se perdre, pas vrai ! La forêt est dangereuse par les temps qui courent, faudrait pas qu'il t'arrive quelque chose...
Le vieil homme sourit.
– Bon, la nuit va être courte, alors on boucle le camp et ensuite, repos pour tout le monde. Je prendrai le premier tour de garde, annonça Cade.
Alors que la nuit était bien avancée, le campement paraissait étrangement calme. Chacun était finalement parvenu à trouver un peu de repos à l'abri derrière les barricades improvisées du camp, caché derrière un bosquet, au pied d'un arbre, ou perché au creux d'un enchevêtrement de branches. Et tandis que tous semblaient dormir à point fermé, le bruit d'une brindille qui venait de rompre extirpa le prisonnier de son demi-sommeil. Avec une facilité déconcertante, il se défit de la corde qui le reliait à Zeif, se leva discrètement et apparut, telle une ombre, dans le dos de Ash'ell qui assurait son tour de garde. Avec un léger décalage, la jeune femme se retourna brusquement, son sabre pointé sur le cou du vieil homme. Les poignets toujours entravés, ce dernier porta son index à ses lèvres pour lui intimer de garder le silence et d'un signe de tête désigna la direction d'où était parvenu le bruit de branche cassée. Interloquée, la jeune femme suivit l'homme jusqu'aux barricades, et à son tour, perçut un bruit étrange, comme un léger grognement dans le lointain. Impossible d'en déterminer la provenance, ni la distance, mais une chose était certaine, celui-ci était par contre clairement identifiable... Et très vite, un nouveau grognement perça l'obscurité, de l'autre côté du camp, puis un autre, et encore un. Cade bondit de son arbre tandis que Wade et Tuck, alertés par les bruits qui provenaient désormais de toutes parts, se réveillèrent enfin. Pendant un court moment, rien ne se passa, comme si la scène avait été figée. Et seuls les grognements, de plus en plus menaçants, perturbaient l'apparente sérénité du campement.
Durant les quelques instants qui précédèrent l'assaut, le temps sembla de nouveau comme suspendu.
Puis soudain, le camp fut assailli de tous bords. Les premières bêtes se jetèrent sur les pics des barricades tandis que les suivantes escaladaient les carcasses de leurs congénères qui se mouvaient encore au bout des pieux. Et alors que les hurlements des monstres agonisants se mêlaient désormais aux grognements, Ash'ell découpait des membres à tour de bras, décapitant ceux de ses assaillants qui tentaient de forcer le passage. De l'autre côté du campement, derrière les palissades, les affiliés, bien que moins assurés, tranchaient également dans le vif, couverts par les tirs puissants de Cade qui, dans une cadence infernale, rechargeait sans discontinuer ses deux fusils à canon scié.
Aux côtés de Ash, le vieil homme, les mains toujours liées, arracha un pic du ventre d'un infecté et le transperça à plusieurs reprises à travers ce qu'il restait de son visage. La jeune femme, entre deux coups de sabre, lui jeta un regard interloqué, à la fois surpris et admiratif.
– Si vous aviez envisagé de me confier une arme, c'est sans doute le meilleur moment pour le faire, vous ne croyez pas ?
– J'ai l'impression que vous vous débrouillez très bien comme ça, dit-elle alors qu'un autre infecté venait de s'écrouler à ses pieds, son sabre planté entre les deux yeux.
Malgré les efforts des chasseurs de prime pour repousser les bêtes, plusieurs d'entre elles étaient parvenues à percer les remparts improvisés et avaient atteint le bivouac... Trois d'entre elles encerclaient déjà l'homme allongé au pied de son arbre. Et alors que la plus chétive s'attaquait aux bottes du traqueur, une imposante masse en métal la percuta de plein fouet, la faisant voler à plus d'un mètre du sol.
– C'est... quoi... ce... BAZAR ?! fit Zeif, se relevant lourdement de sa couche, sa masse à la main. Et, prenant rapidement compte de la situation, le traqueur se débarrassa en deux temps, trois mouvements – des mouvements lourds et amples – des deux derniers infectés qui rôdaient encore autour de lui, les repoussant plus loin encore que le premier. Puis il repassa sur chacun d'entre eux, et leur fracassa la tête dans le sol, s'assurant qu'ils ne le dérangeraient plus jamais dans son sommeil.
– On peut savoir ce que t'attendais pour te joindre à nous, un carton d'invitation peut-être ? demanda Ash'ell.
– Ben, que vous le demandiez gentiment, déjà... Mais bon, les bonnes manières, vous connaissez pas, apparemment... répondit Zeif, observant les abords des barricades et devinant dans l'obscurité la masse de cadavres qui s'amoncelaient sur le sol. Vous m'avez même pas attendu pour la fête !
L'assaut avait duré à peine quelques minutes puis le calme était revenu. Et tandis que le vieil homme, équipé de son pieu, achevait quelques infectés qui gémissaient encore au sol, Cade rejoignit ses compagnons, suivi de près par les affiliés.
– Rassure-toi, c'est pas fini.
À ces mots, Tuck et Wade levèrent leurs armes, peu rassurés, Nick se contentant d'observer le Pistolero, le regard interrogateur.
– Lorsque ces bêtes vous ont trouvé, elles ne vous lâchent plus tant qu'il vous reste le moindre morceau de chair sur les os. Là, elles ont abandonné le combat. Elles ont battu en retraite, toutes au même moment...
– Elles ont fui quand elles ont senti qu'on allait se les faire, voilà tout.
– Zeif, depuis qu'on parcourt le pays ensemble... et même avant, dans la milice, tu as déjà vu un infecté fuir face à des hommes, aussi nombreux et armés soient-ils ?
Zeif réfléchit, mais demeura perplexe.
– Ils n'ont pas fui, ils se sont repliés. C'est une stratégie... coordonnée. Presque militaire.
– Mais c'est impossible, intervint Ash'ell. Ce sont des animaux, des bêtes sauvages. C'est la faim qui dicte leur conduite et rien d'autre. Alors je veux bien qu'elles soient capables de nous suivre à la trace, mais de là à mettre en place... quoi... un plan d'attaque ? Tu te fous de nous, Cade !
Mais comme pour appuyer l'hypothèse du traqueur, dans la forêt, les grognements reprirent.
– Écoutez...
– Ça recommence.
– Non, écoutez bien, répéta Cade.
– Ben quoi ? questionna Zeif ? Ils grognent, comme toujours...
– Non, il y a autre chose, intervint le vieil homme... C'est comme...
– Comme s'ils se parlaient, conclut Nick.
– Quoi ? Mais qu'est-ce que vous racontez ? Voilà qu'ils se parlent maintenant ?
De nouveau, les grognements se firent plus fort.
Les infectés se rapprochaient rapidement... très rapidement.
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