Épisode 6

 

    – C'est là, fit Brett.

    Les deux hommes pénétrèrent dans la taverne et se dirigèrent vers le comptoir sans qu'aucun client ne leur prête vraiment attention.

    Une femme, un chiffon sur l'épaule, prit leur commande et finit de ranger les quelques verres poussiéreux qui étaient posés sur le bar.

    – Alors, t'as fini de faire la gueule ?

    Mais Brett ne dit mot, avalant une gorgée de son tord boyaux, le regard fixé droit devant lui.

    Après un bref moment de silence Trevor reprit :

    – Qu'est-ce tu dirais si, après cette mission, on allait voir North, histoire de discuter un peu avec lui ? proposa t il, se délectant à son tour de sa bière, tout en observant du coin de l'œil la réaction de son compagnon. Brett se figea soudain, roulant un regard de biais en direction de son interlocuteur qui poursuivit :

    – On pourrait... chais pas moi, lui toucher deux mots à propos de notre rémunération, ajouta Trevor, levant un visage souriant face au mur.

    – Sérieux ? Tu te fous pas de moi, là ?

    – Non, je me fous pas de toi, fit Trevor, levant son verre en direction de son compagnon. Alors, ça te va ?

    – À la bonne heure ! lança Brett, de sa voix grave, frappant vivement la choppe qui lui était tendue.

 

    Alors que les deux acolytes finissaient tranquillement leurs verres, plusieurs voix raisonnèrent derrière eux.

    – Élyss, envoie nous cinq bières ! Mes amis et moi, on a soif !

    – Désolée, Kern, mais j'étais justement sur le point de fermer.

    – Quoi ? Tu vas quand même pas refuser de servir tes meilleurs clients ! (Derrière l'homme, des rires s'échappèrent du petit groupe qui l'accompagnait.) Allez, juste une choppe et on s'en va.

    – T'as pas compris ce qu'a dit la dame ? Le bar est fermé, dit calmement Trevor, reposant son verre sur le comptoir.

    – Non mais vous l'entendez celui-là avec son cerceau sur la tête ? (Les hommes, qui encerclaient désormais les deux compagnons, se mirent à rire de plus belle.) T'es qui toi, d'abord ?

    – Juste un voyageur qui souhaiterait finir tranquillement sa bière.

    – Et puis, vous y connaissez rien !... renchérit Brett, ce truc, c'est pas un cerceau, c'est un casque !

    La femme, derrière le comptoir, fit une tentative pour calmer les esprits :

    – C'est bon, c'est bon, je vais vous servir. Asseyez vous en salle ; je vous apporte vos verres immédiatement. Puis s'adressant à Brett et Trevor : Messieurs, vous voulez autre chose ? C'est la maison qui paie.

    – Mais pourquoi il me parle, lui ? lança l'homme à l'attention de ses collègues, hilares.

    – Pour t'instruire du-con ! répondit Brett, envoyant soudain un uppercut dans la mâchoire du client.

    Tout d'abord, ses collègues ne réagirent pas, surpris par la vivacité de Brett qui continuait, à terre, d’asséner des coups de poings à la face de son adversaire. Puis, comme un seul homme, ils se ruèrent sur lui, et Brett disparut derrière la masse. Après quelques secondes, seuls quelques mots parvinrent à s'échapper de la bagarre.

    – Surtout... viens pas m'aider, hein !...

    – Mais non, tu as l'air de très bien t'en sortir, fit remarquer Trevor. Finalement, je le prendrais bien ce verre, ajouta t il à l'adresse de la patronne, visiblement choquée. Puis, il s'adossa au comptoir ; augmenta le volume de son casque ; fit glisser une mollette sur le côté et les premières notes de Pumpkin and honey bunny parvinrent à ses tympans tandis que, sa choppe à la main, il pouvait désormais se délecter du spectacle, son éternel sourire plaqué sur son visage.

    Et sur les rythmes entraînants de Chuck Berry, au sol, des coups pleuvaient de toutes parts mais Brett semblait respirer enfin. Un autre homme, à droite du comptoir, se leva et se rua vers le petit groupe, pour se joindre à la mêlée, mais il échoua sur le croche-pied de Trevor. Lorsque l'homme se releva pour asséner un violent coup de poing à la figure de son opposant, Trevor dévia son attaque du plat de la main et lui envoya un coup de coude au visage. Puis il posa sa choppe et alors que l'homme, le nez ensanglanté tenta un nouveau coup, Trevor attrapa un couteau caché dans une fente de sa botte et, d'un geste vif, embrocha la main de son adversaire sur le comptoir. L'homme hurla à la mort, mais la musique à tue-tête, Trevor ne l'entendit pas. Tranquillement, il savoura les dernières gorgées de sa bière, dodelinant du chef en rythme sous les coups envoyés par son coéquipier à la face des derniers belligérants.

    Après quelques minutes, Brett, essoufflé, se hissa jusqu'au comptoir :

    – Merci pour le coup de main.

    Trevor, qui s'était retourné pour profiter du verre offert par la maison, sourit et baissa le son de son casque : – Ne me fais pas croire que t'as pas pris ton pied !

    Brett ne répondit mot, mais un léger rictus qui en disait long se dessina sur son visage.

    La patronne qui tentait de se remettre de ses émotions s'adressa alors aux deux hommes :

    – Écoutez, les consommations, c'est pour moi, mais s'il vous plaît, vous devez partir maintenant.

    Trevor regarda la femme droit dans les yeux :

    – On va partir, oui. Mais vous allez devoir venir avec nous. Il y a quelqu'un qui voudrait faire votre connaissance.